Histoire de Montjavoult

Histoire de Montjavoult : Texte rédigé par le cabinet « Aménager le territoire » pour le diagnostic du PLU. Histoire

Cartes postales montrant le Montjavoult d’autrefois : Montjavoult Productions et Cartes postales anciennes

Le village

Première commune du canton en superficie, Montjavoult s’étend sur 1673 hectares (2000 avant le détachement de Montagny en 1788). Six hameaux gravitent autour du bourg, le Vouast juste à côté, Hérouval au nord, Beaugrenier au nord-est, le Bout du Bois à l’est, Valécourt au sud et le Marais à l’ouest. Chacun a sa personnalité et son histoire propres.
L’étymologie du nom est controversée : sous prétexte qu’une partie du Vexin avait été donnée à l’abbaye de Saint-Denis, on a dit que Montjavoult avait un lien avec le fameux cri de guerre Montjoie Saint-Denis. Les spécialistes savent pourtant que les montjoies étaient des buttes de pierres guidant les pèlerins et éventuellement les armées, et qu’à côté de Montjoie Saint-Denis, il y a eu Montjoie Saint-André (Bourgogne), Montjoie Saint-Georges (Angleterre), etc., qui ne peuvent se rattacher à Montjavoult. L’explication la plus simple et la plus directe est mons Jovis, mont de Jupiter. Les noms d’origine romaine sont très nombreux dans le Vexin, même si ceux qui font référence à des dieux sont plutôt rares (Marquemont, mont de Mercure). Mais des historiens régionalistes ont contesté cette explication en se basant sur la découverte de deux textes du IXe siècle où le village serait désigné comme mons jocundiacus, mont plaisant. Outre le fait qu’il n’y a aucune certitude que ces textes désignent Montjavoult, il faut rappeler que les moines qui avaient à l’époque le monopole de l’écriture ont naturellement été tentés de faire disparaître toute trace de paganisme. La construction d’églises sur les restes de temples romains appartient au même réflexe. Enfin, on retrouve au Moyen Age la graphie mons Jovis. Dans ces conditions, on s’en tiendra à cette explication.

De la Préhistoire au Moyen-Age

De l’époque néolithique, on a retrouvé nombre d’outils en pierre taillée ou polie. On note l’installation de tribus déjà sédentarisées, de préférence au pied des collines ou dans les deux vallées de la commune. Des grottes creusées dans les falaises calcaires qui bordent Valécourt ont pu leur servir d’abri. Une allée couverte de treize mètres de long au toit formé de dalles disposées en triangle a été trouvée à Hérouval en 1839 et fouillée par Antoine Passy. Elle contenait encore plusieurs squelettes. De la Gaule indépendante, il ne reste rien de précis, sinon des légendes persistantes, dont celle d’assemblées de druides sur la butte de Montjavoult. En revanche, l’occupation romaine laisse de nombreux témoignages, notamment les restes de grandes fermes gallo-romaines, établies, comme il fallait s’y attendre, sur les meilleures terres et les plus accessibles du plateau. On en dénombre quatre à Beaugrenier et trois au Bout du Bois. On a également trouvé quelques monnaies dans l’enceinte du bourg. Surtout, on a cherché les restes du temple de Jupiter dont parle le jurisconsulte Philippe de Beaumanoir dans ses Coutumes du Beauvaisis et trouvé un dallage de pierre formant un carré de cinquante pieds de côté près d’une fontaine derrière l’église, qui pourrait appartenir à ce temple.
Comme le mode de construction « en dur » de l’époque romaine est abandonné à la période suivante, qui utilise le bois et le torchis, les seules traces que l’on en conserve sont des cercueils en pierre taillée monolithes, particulièrement abondants à Valécourt et sur la butte, qui témoignent d’une densité de population élevée. La découverte signalée par Graves en 1827 d’un empilement de cercueils formant des sortes de murailles défensives de plusieurs mètres de hauteur à côté de l’église, indique qu’il a dû y avoir à proximité un important cimetière mérovingien déplacé à la hâte pour se protéger d’une attaque, peut-être des Vikings. Il y avait en dessous les fondations d’un bâtiment plus ancien dont on n’a pas cherché à connaître la nature.

Le Moyen-Age

L’abbaye de Saint-Denis a obtenu d’importants domaines dans le Vexin, dont Montjavoult, fief ecclésiastique entre les mains du seigneur abbé, dans la mouvance de l’archevêché de Rouen quand le Vexin lui sera rattaché. Au XIe siècle, on édifie une première église en pierre sur la butte. Vers 1250, Montjavoult est classé par l’archevêque de Rouen parmi les neuf plus forts bénéfices des 50 églises du doyenné de Chaumont. En 1337, l’église de Montjavoult est la plus riche du doyenné. L’abbaye de Saint-Denis est à l’apogée de sa puissance quand surviennent les premières manifestations de la période noire qui précipite le Vexin dans la désolation et la ruine.
Les Anglais occupent le Vexin pendant plus de trente ans. Les églises de Nucourt et Magny sont gravement endommagées, de même que l’abbaye de Gomerfontaine. A Montjavoult, l’importance des reconstructions du XVIe siècle laisse penser que là aussi l’église a subi des dommages.
Dans les hameaux, des seigneurs laïcs ont pu obtenir des fiefs. Le plus important d’entre eux est celui du Bout du Bois, aussi seigneur de Valécourt et du Vouast, qui dispose d’un château-fort. Ce seigneur (à l’époque, la famille du Bois) a le devoir et le privilège d’accueillir l’archevêque de Rouen à l’ancienne frontière de l’Epte chaque fois qu’il vient en Vexin français, de tenir son cheval par la bride jusqu’à la prochaine auberge et de partager son repas, moyennant quoi on lui offre un hanap de vin, encore est-il à partager avec l’autre seigneur chargé du même service, le sire de Guitry ! C’est justement ce dernier, qui appartient à la puissante famille des Chaumont-Quitry (de sang royal), que l’on retrouve comme seigneur de Beaugrenier (à l’époque, Boisgarnier).

De la Renaissance à l’époque Moderne

L’abbaye de Saint-Denis se retrouve diminuée, mais reste en principe seigneur de Montjavoult puisqu’elle présente encore à la cure en 1657, ce qui fait bien partie des prérogatives du seigneur. Et pourtant, des seigneurs laïcs sont apparus, avec manoir et terres, ce qui signifie que le fief a été démembré. Deux familles sont attestées : les Mornay d’abord, de la branche du pape des huguenots, Philippe Duplessis-Mornay, seigneur de Buhy, puis par vente en 1668, le maréchal Victor Maurice de Broglie et ses descendants. A la veille de la Révolution, c’est Marie Françoise de Broglie, veuve du comte de Lignerac, qui détient le fief de Montjavoult.
A Beaugrenier, les Chaumont restent seigneurs du lieu jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Parmi eux, Jean de Chaumont est garde des livres et des médailles du cabinet du roi. Apparenté à plusieurs académiciens, il participe activement à la vie intellectuelle parisienne. Après les Chaumont, ce sont des voisins, les Aubourg, marquis de Boury, qui rachètent Beaugrenier.
Au Bout du Bois, Madeleine du Bois épouse en 1598 Antoine de Caumont et lui apporte le fief. Leur château-fort se transforme, ses défenses disparaissent et ses austères façades se percent de nombreuses ouvertures. Leurs descendants Caumont vendront l’ensemble en 1720 à Louis Robert, conseiller au Parlement de Paris et fils d’un fermier général, devenu en quelques années un des plus gros propriétaires du Vexin. Les Robert parviendront à franchir presque sans encombres la tourmente révolutionnaire.
A Hérouval enfin, belle succession de familles : les Bec-Crespin, seigneurs de Boury, les Audouin, les Vion, les Noyon et les de Marle. Le grand homme est ici Antoine Vion d’Hérouval (1606-1689), célèbre érudit parisien, ami de Jean de Chaumont mais aussi d’un grand nombre d’écrivains auxquels il fournit avec générosité des documents tirés de ses recherches d’archives. A sa mort, on rendit à sa mémoire un honneur qu’on ne rend qu’à des personnes extraordinaires (Moreri dixit).

L’époque moderne

De l’époque révolutionnaire, il reste un document important, le cahier de doléances de 1789. Il a été rédigé par les paysans du village rassemblés sous l’autorité du syndic Pierre Masse, élu l’année précédente. C’est, de l’avis de Jacques Dupâquier, un des meilleurs cahiers de doléances de toute la région. Il demande l’abolition des privilèges, une nouvelle constitution, la réunion tous les ans d’états généraux et d’états particuliers (par province), un impôt unique, et propose deux projets originaux concernant l’organisation du commerce des grains dans la région et la résorption de la mendicité au niveau de chaque commune. Montjavoult a même l’honneur, en 1790, d’être promu chef-lieu de canton. Un peu plus tard, sous la Terreur, au printemps 1794, l’église est dévastée par Bachod, le président du comité révolutionnaire de Chaumont, accompagné de son habituelle escorte qui déchirent le grand tableau derrière le maître-autel.
Au XIXe siècle, seuls des anciens seigneurs, les Robert et leurs descendants Villeneuve Bargemont conservent leur domaine, le Bout du Bois, sur lequel ils accentuent même leur emprise, puisque le hameau du château est racheté, maison par maison, par M. de Villeneuve. A Hérouval, c’est un éminent représentant des deux cents familles, Alexandre Sanson-Davillier, régent de la Banque de France et associé dans la filature de Gisors, qui apparaît.
L’événement majeur au milieu du siècle est la renaissance du protestantisme à partir d’un mouvement de contestation lancé par un habitant de Valécourt, Georges Mignot. Appuyés à Paris par le Consistoire, les protestants de Montjavoult obtiennent en 1851 l’autorisation de célébrer librement le culte dans un local qui n’est au départ qu’un simple hangar, puis de créer une école réservée à leurs enfants. Une des conséquences du développement du protestantisme à Montjavoult est la création en 1881 par le pasteur Lorriaux de l’Œuvre des Trois Semaines, première colonie de vacances en France, avec une implantation au bourg (la Clé des Champs), une autre à Valécourt (la Sapinière) et une troisième à Delincourt. Au moment de la seconde guerre mondiale, il deviendra nécessaire d’organiser un accueil permanent des enfants et les responsables en profiteront pour ouvrir leurs locaux à des enfants juifs en grand danger.
Pendant la guerre de 14, Montjavoult sert de base arrière à diverses troupes mais surtout le Bout du Bois accueille en 1918 une partie du haut état-major américain, dont le général Pershing. Après la guerre, de nouveaux agriculteurs viennent prendre la relève de ceux qui ont disparu, dont Pierre Gillouard, maire de 1923 à 1959, pionnier de la modernisation agricole (il sera membre de l’Académie d’agriculture) et résistant actif pendant la seconde guerre.
Les Villeneuve Bargemont, derniers châtelains du Bout du Bois, vendent leur domaine en 1970. La population de la commune, qui s’est modifiée comme dans le reste du Vexin, tourne autour de 500 habitants en 2008.

Texte écrit par Ph.Champy le 15/12/08

L'église Saint-Martin

                                  

La butte de Montjavoult, qui domine de ses 207 mètres le plateau du Vexin français, a été l’objet d’une occupation très ancienne mais qui reste assez mal connue. Des témoins des époques préhistorique, gallo-romaine et du haut Moyen Age (nécropole) ont ainsi été reconnus et la dédicace de l’église à saint Martin suffit à elle seule à prouver l’implantation précoce d’une église au sommet de la butte. Assise sur un petit tertre qui en dégage bien la silhouette allongée que domine une massive tour de la Renaissance, l’église Saint-Martin, possession de l’abbaye de Saint-Denis jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, est un édifice très complexe, à l’analyse passionnante.

Datant pour l’essentiel du 16ème siècle, elle a en réalité pour base une église romane dont subsiste essentiellement le bas-côté sud mais qui peut être reconstituée grâce à l’analyse des maçonneries et de vestiges encore visibles dans les combles. Cette église, que l’on peut faire remonter au 11ème siècle, comportait une nef de trois travées avec bas-côtés, un transept saillant avec clocher sur la croisée et un chœur de plan inconnu. Fait absolument exceptionnel pour la région, la nef et ses bas-côtés (seul celui du nord en témoigne aujourd’hui) étaient couverts de voûtes en berceau plein cintre, un type de couverture réservé habituellement aux chœurs et travées sous clocher. Dans les combles, le mur goutterôt nord a gardé son appareil en arêtes de poisson et des petites fenêtres à claveaux simulés.

Au 13ème siècle, un chœur à chevet plat de deux travées avec bas-côtés remplacera le chœur roman. Il servira de base, avec le transept roman, à la reconstruction presque totale de l’église, entreprise dans les premières années du 16ème siècle suite aux nombreuses destructions dans la région intervenues durant la Guerre de Cent Ans. Couvertes de voûtes d’ogives à profil prismatique retombant par pénétration dans les piles, ces parties orientales sont surtout remarquables pour leurs fenêtres flamboyantes et l’on admirera tout particulièrement le magnifique chevet plat, percé en son centre d’une immense fenêtre au réseau caractéristique de cette dernière période de l’architecture gothique. Les travaux se poursuivront par la nef, dotée de nouvelles voûtes et flanquée au sud d’un très large bas-côté destiné à pallier l’étroitesse du vaisseau central, d’origine romane.

Le chœur et son bas-côté nord. Le bas-côté nord de la nef est couvert disposition rarissime en Île-de-France – d’une voûte en berceau plein cintre du 11 ème siècle.

Vue du sud, l’église associe étroitement les formes du gothique tardif et de la Renaissance.

Le portait est l’un des chefs-d’oeuvre de la Renaissance en Vexin français. Portées à la même hauteur afin d’ouvrir au maximum les volumes, les six voûtes retombent au centre sur deux piles à noyau circulaire et, vers le sud, sur des chapiteaux corinthiens qui appartiennent clairement à la Renaissance.

C’est de ce style que se réclament l’exceptionnel portail et le clocher, bâtis en dernier dans les années 1550. Semblable à un arc de triomphe avec sa voûte à caissons fermement encadrée par deux colonnes cannelées et une large frise sculptée, le portail est, tant pas sa composition que par le foisonnement de son décor, l’une des œuvres majeures de la Renaissance dans le Vexin avec ceux de Marines et de Gisors.

Plus austère mais construite avec le même soin, la tour trouve son pendant dans celles de Chaumont-en-Vexin, Chars ou encore Notre-dame de Pontoise. S’il n’est pas à la hauteur de l’intérêt architectural de l’église, le mobilier compte néanmoins quelques éléments intéressants au premier rang desquels il faut inscrire une exceptionnelle Vierge à l’Enfant en pierre, du 14 ème siècle.

Pour plus de détails : église de Montjavoult

Le Bout du Bois

A l’époque où Montjavoult était une seigneurie ecclésiastique dépendant de l’abbaye de Saint-Denis, c’est un seigneur laïc qui a régné sur le Bout du Bois, seul château de la commune.
Son emplacement avait été choisi avec soin : adossé à la forêt de la Molière, il commandait le passage entre les deux buttes et donc la route qui va de Magny à Gisors. Un souterrain le reliait à l’église de Montjavoult et peut-être aussi à l’extraordinaire réseau qui quadrille le Vexin autour de Gisors.
La partie sud du château date du XVe siècle, avec une tourelle ronde au toit en pierre de taille tout à fait remarquable ; la façade ouest est peut-être de la même époque mais a été remaniée et percée de fenêtres symétriques au XVIIe. Quant au reste, il a subi quelques outrages dont on reparlera.
La première famille qui l’occupe porte le nom du château : Agnès du Bout du Bois est connue pour avoir épousé au XIIIe siècle Guillaume, seigneur de Flavacourt en pays de Thelle. Elle lui apporte en dot Montagny, où il y a une deuxième place forte qui participe au contrôle de la route de Magny à Gisors. Par les femmes, Montagny et Flavacourt seront transmis aux Chantemelle, puis aux des Boves, dont la seigneurie était entre Parnes et Montjavoult, et enfin aux Fouilleuse, qui joueront un rôle important dans l’histoire de Gisors aux XVIe et XVIIe siècles.
Quant au Bout du Bois, les archives d’Alincourt nous apprennent qu’au début du XVIe siècle, c’est Philippot Fleurot du Bois qui en est le seigneur, ainsi que de Courdimanche en partie (près de Cergy). Il a le privilège de tenir par la bride le cheval de l’archevêque quand il traverse l’Epte ; le Vexin est en effet rattaché à l’époque à l’archevêché de Rouen. A la fin de ce siècle, le fief du Bout du Bois passe par mariage aux Caumont, qui viennent de la Somme mais ont déjà des parentés avec les familles du Vexin.

Au XVIIe, le château ne sera plus habité qu’épisodiquement, comme une sorte de résidence secondaire par rapport au fief principal des Caumont qui est à Gauville, près d’Aumale. Ils y donnent cependant de grandes fêtes réunissant toute la noblesse locale à l’occasion de leurs mariages. En 1663, alors qu’Antoine de Caumont reçoit au Bout du Bois son beau-père Antoine d’Acheu, ce dernier vient à mourir ; il sera enterré dans l’église de Montjavoult ; la dalle est encore visible dans le bas-côté gauche.
Le même Antoine de Caumont s’est endetté pour racheter le Bout du Bois à son frère Charles et ses héritiers vont traîner cette dette comme un boulet. Ils sont forcés de vendre en 1720 à un dénommé Louis Robert, conseiller au Parlement de Paris mais petit-fils de tapissier. Comme deux siècles plus tôt Pierre Le Gendre, le châtelain d’Alincourt, Louis Robert est atteint d’une véritable boulimie d’acquisitions : Lierville, Boubiers, Monneville, Marquemont, Le Breuil, Montjavoult, Reilly, etc. Son château principal sera celui du Boulleaume à Lierville. Son fils, Louis Robert de Monneville, et son petit-fils, Louis Nicolas Robert de Lierville, seront également conseillers au Parlement.
A cette époque, le Bout du Bois est un véritable hameau avec une douzaine de petits propriétaires, laboureurs, journaliers ou artisans. Il y a même une boutique sur place ! Ce n’est qu’au XIXe siècle que le châtelain réunira dans ses mains tous les terrains et réduira le nombre de maisons à ce qui lui est nécessaire pour loger ses employés. Par succession, ses domaines iront aux Chézelles (toujours au Boulleaume) et aux Villeneuve Bargemont.
Les Villeneuve Bargemont sont originaires du Midi, ils viennent de Bargemont dans le Var. Par suite d’une erreur d’état civil, une branche de la famille fixée dans le Nord devra adopter la graphie Bargemont.

Monsieur de Villeneuve Bargemont

C’est une arrière-petite-fille de Louis Nicolas Robert, Marguerite de La Myre, qui, en épousant Elzéar de Villeneuve Bargemont en 1857, lui a apporté le Bout du Bois. Leur fils Hélion y habitera après eux mais vendra ses domaines de Reilly et Boubiers en 1900 (à Boubiers, c’est la ferme Préhaut, ancien manoir des Boulainvilliers). Hélion a épousé en 1894 Simone de Froissard, d’une vieille famille du Jura, de Dole et Bersaillin. Elle est férue de sculpture animalière et se spécialise dans les groupes équestres. De 1900 à 1914, elle expose dans divers salons parisiens et peuple le Bout du Bois de ses bronzes.

 

La vie est alors brillante au château, bals et chasses à courre s’y succèdent.
En 1914, le château accueille une partie de l’état-major allié.

« Général Pershing – Général Bullard (Commandant la 1ère D.I.) – Général Brook (Commandant la 2ème Brigade) »

Erreur fatale, le ménage cède à la mode pour l’anglo-normand et décide de transformer la bâtisse qui avait gardé l’allure classique et élégante d’un petit château du XVIIe : ils lui ajoutent au nord une aile imposante dotée de faux colombages en ciment, puis, dans un deuxième temps, après la guerre de 14, ils plaquent une décoration identique sur l’étage du bâtiment principal. Ils sont tellement contents de leur idée qu’ils procèdent de même avec leur ferme située à l’entrée de Beaugrenier ! Dans les années trente, cette ferme sera exploitée par Pierre Gillouard, un nom bien connu dans le pays, avec 25 employés pour l’aider, sans compter les femmes.

La mécanisation a bien changé les choses depuis…
Simone a vécu jusqu’en 1937 et Hélion jusqu’en 56, laissant une fille, Elisabeth, décédée en 1978. Quand les Allemands sont arrivés au Bout du Bois en 40, ils ont découvert la collection de bronzes : Çà Monsieur, bon pour canons… et tout a été confisqué ! Après la guerre, Hélion s’est retiré dans son beau château de Bersaillin et a loué le Bout du Bois à son neveu le marquis de Froissard. Il y eut encore quelques restes de vie mondaine, avec de rares chasses à courre. Un maître d’équipage invité se souvient : De la cour du château partaient en oblique deux allées de chasse, l’une traversait la place ovale du hameau avant de s’enfoncer tout droit dans le massif de la Molière, et était bordée de chênes centenaires, l’autre, bordée de tilleuls, suivait les lisières de la forêt au-dessus de la plaine de Beaugrenier.
Avant d’être vendu en 1970, le château a connu une longue période d’incertitudes propice aux pillages : cheminées et boiseries ont disparu, ainsi qu’une précieuse malle d’archives. L’essentiel du domaine de plus de 300 hectares a été acquis en 1972 par le fermier Gourdain qui l’exploitait. Le propriétaire actuel du château étudie divers projets dont l’un pourrait être l’installation d’une maison de retraite, ce qui permettrait d’achever les travaux de mise en valeur de l’ensemble.
P. Champy

Hérouval

Au nord du territoire de Montjavoult, on trouve le hameau d’Hérouval dont les bois, partagés avec la commune de Gisors, abritent un parc de loisirs. Le hameau lui-même est situé à l’orée d’une profonde vallée qui part du plateau de Beaugrenier pour se diriger vers les fonds de Vaudancourt et de Boury. A la différence des autres hameaux de Montjavoult, il est à l’écart de tous les axes de circulation et sa situation encaissée renforce la quiétude du lieu. Comme en outre il y a peu de constructions neuves, le hameau paraît quelque peu hors du temps. Il comporte en son centre une grosse ferme, ancien manoir seigneurial plein de caractère flanqué d’un imposant pigeonnier. A l’écart et en contrebas, on trouve le moulin d’Hérouval avec son étang, alimenté par un ru qui traverse ensuite Boury pour se jeter dans l’Epte en aval de Dangu.

De l’époque mégalithique, on a trouvé au lieu-dit la Garenne en 1839 une allée couverte de treize mètres dont les pierres forment un toit triangulaire, fouillée par Antoine Passy qui en a sorti des squelettes et des poteries grossières. Elle a été malheureusement ensevelie à nouveau quelques dizaines d’années après. Ce type d’édifice servait de sépulture et reste plutôt rare dans le Vexin, puisqu’on n’en connaît qu’une douzaine. Il est à noter que dans la même vallée, vers Boury, subsiste une autre allée couverte et le souvenir d’une troisième. D’autres découvertes ont été faites par le propriétaire des lieux au XIXe siècle, dont on reparlera.

Le premier seigneur connu d’Hérouval s’appelle Charles II du Bec- Crespin ; il appartient à une des grandes familles de barons normands, compagnons de Guillaume et détenteurs d’importants domaines. Son grand-père a racheté Boury en 1498. Ouvertement protestant, il transforme la région en foyer d’accueil pour ses coreligionnaires. Il a compté parmi les victimes de la Saint-Barthélemy. Sa soeur Françoise a épousé Jacques de Mornay, père du fameux Duplessis- Mornay.

A la fin du XVIe siècle, le seigneur du lieu s’appelle Louis Audouin; il est aussi d’origine normande mais de plus modeste extraction, et marié à Marie du Mesnil-Jourdain, dont la famille a des implantations très proches (Montbines à Boury). Il meurt en 1614 et est enterré dans l’église de Montjavoult, chapelle de la Vierge. Après son décès, le fief est racheté par Antoine Vion, de la branche des seigneurs de Gaillon de cette famille très connue dans le Vexin et la vallée de la Seine. Il a un fils, également prénommé Antoine (1606-1689) qui lui succède à son décès en 1632. Ce fils, qu’on appelle généralement Vion d’Hérouval, ou M. d’Hérouval, sera célèbre et cette célébrité rejaillira sur le hameau dont il porte le nom, même si beaucoup de gens à Paris seront incapables de le situer !

Vion d’Hérouval, officiellement auditeur à la Chambre des Comptes, appartient à une espèce singulière, celle des érudits, collectionneurs de manuscrits, dévoreurs de livres et d’archives, qu’ils régurgitent sous forme de compilations, dictionnaires et autres savantes exégèses. Mais, à la différence de la majorité de ses collègues, il n’a rien publié ! Simplement, il a mis ses vastes connaissances au service de ses contemporains, historiens, littérateurs ou philosophes, ce qui lui a valu la gratitude des écrivains de l’époque et une notoriété certaine. Moreri dans son dictionnaire indique qu’à sa mort en 1689, les Bénédictins de Saint-Maur rendirent à sa mémoire un honneur qu’on ne rend qu’à des personnes extraordinaires.

Il est possible que ce soit Vion d’Hérouval qui ait fait construire le manoir qu’on peut admirer dans la cour de la ferme actuelle mais on pencherait plutôt pour son père, voire Louis Audouin, car le style de la construction est encore marqué par l’influence de la Renaissance si l’on regarde en particulier l’encadrement de la porte d’entrée.

A droite du manoir, un beau pigeonnier daté du XVIIIe sur une poutre. Il y avait en outre une chapelle, aujourd’hui détruite, avec au-dessus de la porte les armes des Vion.
Vion d’Hérouval ne va pas rester très longtemps à Montjavoult, puisque dès 1641 un autre seigneur apparaît : Pierre de Noyon marié la même année à Elisabeth d’Abancourt, fille de François, seigneur de Beausseré. Quant aux Noyon, ils ont le fief du Chêne d’Huy à Boury ainsi que le fief de Vallière sur Vaudancourt. Décidément, les liens avec la vallée sont plus forts que ceux avec Montjavoult…
A Pierre de Noyon succède son fils Louis, marié en 1661 à Marie Anne Durand, fille de Jacques, demeurant à Neaufles. Le ménage a quatre enfants à Montjavoult : deux fils et deux filles. Les fils de Louis de Noyon ont dû mourir jeunes car c’est par leur fille Marie Suzanne que le fief d’Hérouval sera transmis : elle épouse en 1710 Pierre de Marle, ancien officier, fils d’un autre Pierre, seigneur de Lisors après l’avoir été d’Amécourt.

Au mariage de 1710, Louis de Noyon est toujours vivant mais a dû décéder peu après car en 1716, c’est Pierre de Marle qui est seigneur d’Hérouval. Il a toujours ce titre à son décès en 1727. Sa femme le suivra dans la tombe en 1736. Ils avaient eu deux fils, Pierre et Louis Charles, présents à l’enterrement de leur mère, et deux filles, Marie Anne et Marie Suzanne.

Après 1736, on ne trouve plus trace des de Marle dans les registres paroissiaux de Montjavoult. Ils ont en fait quitté la commune et le seigneur d’Hérouval, Pierre de Marle junior, s’apprête à convoler avec une riche héritière, Marie Agnès Daniel, de la branche de Fours des Daniel de Boisdenemets. Une de leurs filles, Marie Agnès, épouse en 1758 à Fours son lointain cousin, Jean de Gallet de Vallière et lui apporte Hérouval.
Mais les seigneurs n’habitent plus ce fief et comme, c’est bien connu, la nature a horreur du vide, une nouvelle caste, jusque-là dans l’ombre, va prendre peu à peu leur place: les fermiers receveurs. Il s’agit d’agriculteurs en général à la tête de grosses exploitations, instruits, connaissant les lois et la comptabilité, qui sont chargés de recueillir les impôts et fermages dus au seigneur.
Intermédiaires obligés entre la population et le seigneur, ils pratiquent généralement une endogamie qui renforce leur pouvoir. Leur rôle, déjà important au XVIIIe siècle, sera considérable dans les campagnes au moment de la Révolution.

Au moment où les de Marle quittent Hérouval, Beaugrenier n’a plus de seigneur résident depuis longtemps. On va voir alors les fermiers receveurs des deux seigneuries s’activer dans un mouvement bien coordonné. D’après les registres paroissiaux, en 1757, Jean- Baptiste Marie est fermier receveur de Beaugrenier. En 1765, on note que Pierre Phanye exerce les mêmes fonctions à Hérouval. En 1769, Pierre Masse épouse en deuxièmes noces Marie Clémence Phanye, soeur du receveur d’Hérouval et veuve de celui de Beaugrenier. En 1773, le même Pierre Masse apparaît comme receveur de Beaugrenier. Enfin, apothéose finale, en juin 1789, Pierre Masse est, ou se dit seigneur d’Hérouval. Bien entendu, comme il n’est pas noble, il n’apparaîtra pas comme représentant de ce fief aux états généraux. Mais cela signifie qu’il l’a racheté aux Gallet. S’il avait attendu, il aurait pu le payer en monnaie de singe, comme l’ont fait tant de ses collègues… Entre-temps, sa réussite a provoqué des jalousies, puisqu’il a été une des principales victimes de la fameuse affaire Sevestre en mars 1778 : un certain Julien Sevestre habitant Vaudancourt a mis le feu un peu partout à Montjavoult, Vaudancourt et Boury. Pierre Masse y a perdu ses trois fermes de Beaugrenier et le dénommé Sevestre a été brûlé vif.
On avait parlé du rôle joué par les fermiers receveurs pendant la Révolution, Montjavoult en fournit un bon exemple puisque c’est Pierre Masse, encore lui, qui, en tant que syndic, rédige le cahier de doléances de la commune, qui est, il faut le reconnaître, d’une haute tenue. Mais l’histoire impose parfois des revirements brutaux : le nouveau seigneur d’Hérouval va naturellement chercher à faire oublier la qualité dont il s’était imprudemment paré.

En 1822, une filature de mèches pour chandelles est installée auprès du moulin d’Hérouval, qui utilise la force motrice de l’étang du moulin et occupe une vingtaine de femmes. Le moulin lui-même restera en activité encore pendant de longues années. Parmi ses propriétaires, M. Léger, maire de la commune. Son mécanisme était encore à peu près en état après la guerre de 40. Depuis, c’est un artiste peintre et plasticien, Dado, qui s’y est installé et y mène une vie discrète. Le précédent bulletin a parlé de lui. Il est assez étonnant de constater qu’à deux kilomètres au nord et de l’autre côté de la même colline a vécu Picasso… On aurait pu croire que l’ancienne e seigneurie passerait au XIX siècle entre les mains d’agriculteurs, surtout après avoir vu les fermiers receveurs à la manoeuvre au siècle précédent. Il n’en sera rien : c’est un grand bourgeois qui va racheter l’ensemble : Alexandre Sanson-Davillier, banquier et industriel, régent de la Banque de France et membre éminent des deux cents familles. Il cherchait une maison de campagne à proximité de Gisors, car il était, après son mariage avec Clémentine Davillier, devenu un des gérants de la filature de Gisors, rachetée par son beau-père en 1816. Rappelons qu’il s’agit à l’époque de la plus grosse entreprise de la région, qui a occupé au début du siècle 2.000 ouvriers et encore un millier vers 1850.

A Hérouval, c’est lui qui invite son parent Antoine Passy, alors ministre, mais géologue passionné, à fouiller l’allée couverte qui vient d’être trouvée. Sans doute pris au jeu, Sanson-Davillier trouve non loin de là, au Goulet de Merval en 1842, un ensemble de 14 sarcophages qui contiennent des lances et des ornements de fer ou de bronze, plus un médaillon romain. Vers 1860, Il quitte la direction de la filature et meurt trois ans plus tard.

Le manoir devenu ferme est passé de main en main pour arriver dans celles d’Eugène Gillouard, frère de Pierre, après 1918. Quand il a quitté Montjavoult vers 1935, c’est Henri Goré qui a repris la ferme, après avoir été à Enencourt-le-Sec et Reilly. En 1953, le petit-fils de ce dernier, Philippe Gautier, a pris la suite. Plutôt que d’habiter la ferme, il a préféré racheter une grande maison meulière construite vers 1900 en contre-haut du hameau.

Philippe Gautier a été maire de Montjavoult de 1977 à 1995.